Tombés, oubliés, laissés sur pied, erreur humaine ?
Elles sont nombreuses ces grappes, ils sont nombreux ces raisins oubliés à ne pas devenir nectar.
C’est à eux que mon regard c’est porté pendant presque deux mois.
Depuis le 14 octobre jusqu’à maintenant, je les ai vu muter, subir les attaques incessantes d’insectes qui se nourrissent du sucre des fruits jusqu’à l’ivresse.
Voir la transformation physique, flétrissement doublé du changement de couleur de peau, le dessèchement quotidien des rafles.
Sentir la transformation, une odeur entre fermentation et décomposition entêtante.
Dans une présentation chronologique, vous serez témoin de cette mutation des trois cépages du Château Luchey-Halde que sont le Petit Verdot, le Sémillon et le Cabernet Sauvignon.
Jean-Louis Rullaud interroge à travers son travail la notion de rupture en tant qu’espace temporel ouvrant un champ des possibles dans l’interprétation du vivant et de son rapport à son environnement. Le moment de la rupture est amené par le photographe, dans une vision optimiste, à être compris comme une mutation des êtres et des choses.
Dans la perception humaine, le temps et l’espace ont toujours tendance à être dissociés, le temps à être perçu seulement comme un concept qui n’a pas de réalité physique, menant la vie à ses décompositions matérielles et immatérielles.
Jean-Louis Rullaud intègre dans son travail l’équation « temps » sous ses différents aspects : le temps qui passe, le temps passé, le temps futur mettant en parallèle les variations des états de la matière vivante, l’Homme et son environnement.
Ce projet photographique questionne à la fois la forme et le sens. Recherche sur le transitoire de la vie, sur la vitesse et le temps comme matière, qui intègre et transforme la perception de l’espace et offre des interprétations sensibles de la réalité.
La série des Raisins Oubliés de Jean-Louis Rullaud produite spécialement pour les journées Portes Ouvertes des Pessac Léognan au Château Luchey-Halde . « La vitesse est au temps ce que la pourriture est au fruit», interroge les changements d’états de la matière vivante consommable.
Le rapport au corps humain, à son inextricable chute vers l’avant, est là.
A travers ces Memento Mori, c’est notre rapport au temps que questionne l’artiste.
La vitesse qui régente la vie de l’Homme aujourd’hui, sa productivité attendue, l’empêchent de jouir de l’instant.